A. Le poème improvisé


Le premier volet de mon travail porte sur l’écriture, le langage, sa mise en scène et en particulier la rédaction en direct. Je cherche à analyser, comprendre et traduire les processus inhérents à l’écriture improvisée, et notamment chez le poète. Je développe des outils basés sur ces analyses pour la création musicale collective.

La réception du poème improvisé

La complexité et la richesse de notre langage peut rendre délicate la compréhension (et donc la transcription) d’un texte de façon univoque. En conséquence, une création collective ayant pour impulsion un texte seul peut faire face à l’obstacle de l’hétérogénéité des interprétations des artistes, enjeu que la direction artistique peut résoudre. Un chef d’orchestre peut, à partir d’un texte, proposer d’un même geste des partitions homogènes à un ensemble d’artistes créant collectivement. De nombreux travaux furent menés à partir des années 1970 sur l’élaboration de nouveaux langages artistiques, notamment en musique − avec par exemple le soundpainting et les travaux de Iannis Xenakis. Peu d'entre eux concernent directement la création musicale improvisée.
Dans le cadre de la réception en direct d'un poème par d'autres artistes, la transmission de l’authenticité littéraire du texte doit encore faire face à deux réalités : la subjectivité du chef d’orchestre, et la quantité d’informations à synthétiser en direct par celui-ci. Comment quantifier la teneur de l’opération de transcription qu’opère un libre musicien improvisateur à la lecture spontanée d’un texte sur scène ? La logique traductrice employée depuis le texte jusqu'à la partition musicale, qui ici nous intéresse, n'est pas reproductible dans ce cas.

Langage d'interaction pour l'improvisation poésie-musique

Ma recherche actuelle correspond au développement de systèmes d’interaction en direct entre poésie et musique, dont les rôles peuvent être pensés comme ceux d'un chef d'orchestre intermédiaire. Le projet CONDUCTOR est né dans la volonté de déplacer ou quantifier les deux réalités de subjectivité et de quantité lors de la transcription d'un texte improvisé. Je cherche à explorer, intensifier la direction d'une création musicale collective prenant impulsion dans un poème improvisé et son entièreté littéraire. Une grammaire visuelle, que l'on souhaite synthétique, riche, cohérente, est proposée aux improvisateurs en fonction du texte en rédaction, texte auquel ils n’ont pas nécessairement accès. Que signifie traduire l'impulsion d'un poème improvisé en une partition d'improvisation musicale dirigée ?
L'analyse automatique et la retranscription du texte par un tel logiciel est un défi technique qui s'appuie sur l'estimation ou la mesure de métriques diversifiées (sémantiques, stylistiques, sensorielles) et l'étude de leurs dynamiques. Les avancées notables des Natural language processing (NLP) de ces dernières années nourrissent ces travaux, mais un large champ d'outils reste encore à créer ou adapter dans le cas de la poésie improvisée en français.

Le processus de création

Ces travaux matérialisent par ailleurs une réflexion plus large sur le processus de création. Le poème en direct comme objet d’étude peut se rapprocher suffisamment du cas limite de l’écriture automatique des surréalistes (dont Les Champs magnétiques est le point de départ) pour tirer profit de leurs réflexions. L’écriture automatique présente l’intérêt de diminuer les gestes d’auto-censure d’un auteur en rédaction, et de nous rapprocher d’une intention créatrice mise à nue. Interroger la fabrication du langage écrit spontané c’est aussi questionner le processus artistique en amont, de la fugacité de la pensée à l’explicitation écrite. Parallèlement, c’est la fugacité de l’intention littéraire d’un texte improvisé qu'un système de transcription peut déjà essayer de saisir et rendre en présence d'autres artistes improvisateurs.


2023 - Article en cours écriture - CONDUCTOR.
2022 - Rapport de stage - Conductor: a quantitative, analytical and scenic system for interaction between live poetic writing and musical improvisation. Avec Filippo Fabbri et Francesco Russo.





B. L'étude des écosystèmes


Le second volet de mon travail relève des mathématiques appliquées à l'écologie et à l'analyse des interactions d'un écosystème.
Analyse des réseaux d'interactions écologiques

Dans un écosystème, les espèces sont impliquées dans de nombreuses interactions si- multanément (e.g. consommation, facilitation, compétition), pourtant ces interactions sont traditionnellement étudiées séparément avec des réseaux d’interactions simples ou bipartites. Les réseaux multipartites connaissent un intérêt nouveau en écologie en ce qu’ils permettent de répondre à la nécessité récemment soulignée de modéliser conjointement plusieurs types d’interactions. L’analyse de leurs structures est très prometteuse pour comprendre et étudier l’assemblage des communautés écologiques. Le récent Multipartite Block Model (MBM) permet de généraliser sur ce type de réseaux l’approche des modèles à blocs qui ont déjà fait leurs preuves pour l’étude structurelle des réseaux à une seule interaction (simples ou bipartites). Il permet en effet d’inférer des blocs d’espèces partageant des propriétés de connectivité similaires au sein des différentes couches du réseau multipartite. Néanmoins, ces blocs et leurs paramètres ne sont pas directement interprétables par les écologues, et aucun résultat systématique sur la structure des réseaux écologiques multipartites n’est connu à ce jour. Mon travail vise à construire des indicateurs statistiques écologiques rigoureux et interprétables basés sur les modèles à blocs, capables de capturer la structure d’un réseau tripartite, puis de proposer une méthode pour exhiber des profils structurels communs entre différents réseaux écologiques tripartites.


2021 - Rapport de stage - Recherche d'une structure commune des réseaux écologiques tripartites par une approche probabiliste. Avec Sonia Kéfi, Sophie Donnet et Pierre Barbillon.
2021 - Développement du package R analysisMultipartiteSBM (voir sur github).

Simulation de modèles de répartition d'espèces

L’étude de la dynamique des aires de répartition d’espèces est un problème central en écologie. Les développements de telles études sont aujourd’hui d’autant plus nécessaires que nous devons essayer d’appréhender les conséquences du changement climatique sur les espèces. Ces variations de champs bioclimatiques (comme la température, l’humidité, la qualité des sols) ont des conséquences encore incertaines sur les distributions des espèces et sur la biodiversité. A cela s’ajoutent l’impact de l’activité humaine sous toutes ses formes, rendant la modélisation de l’évolution d’espèces d’autant plus délicate. Certains modèles mathématiques permettent néanmoins d’acquérir une intuition quant au comportement des espèces. Parmi eux, l’équation aux dérivées partielles de Fisher-KPP est la référence en écologie. Une piste intéréssante consiste à explorer de nouvelles résolutions numériques du modèle Fisher-KPP par le croisement de méthodes issues d'autres disciplines.


2020 - Mémoire - Simulation de la propagation d'une espèce dans un milieu hétérogène. Avec Gaël Raoul.
2019 - Rapport de stage - Statistical modelling of agriculture and its impact on biodiversity in the Colombian páramo under future global change. Avec Gwendolyn Peyre.